Nos deux chargées de campagne pour la dignité au travail et la régulation des multinationales, Floriane Biem et Maelys Orellana, ont quitté Paris pour Guayaquil, premier port et capitale économique du pays, le mardi 7 février 2023. Elles y ont réglé les derniers préparatifs du voyage avant d’accueillir, dès le lendemain, nos invité·e·s : le rappeur Hippocampe Fou, l’influenceuse féministe et autrice de bande dessinée Blanche Sabbah, une équipe de production de trois personnes et deux journalistes indépendantes.

Notre objectif : donner la parole à celles et ceux qui subissent les dérives de l’agribusiness et se battent pour le respect de leurs droits ! Le résultat est un webdocumentaire de 35 minutes, scindé en 5 épisodes et présenté par les deux artistes.

Avec notre partenaire sur place, l’Association syndicale des travailleuses et travailleurs agricoles et des paysan·ne·s (ASTAC), nous avions minutieusement préparé l’itinéraire et les rencontres en amont, pour faciliter le travail d’enquête des deux journalistes et préparer notre propre webdocumentaire.

Rencontres dans les plantations de bananes

Notre périple a débuté à Isla de Bejucal, petite ville au cœur des plantations qui permettent au pays d’exporter, chaque année, plus de 6 millions de tonnes de bananes dans le monde.

Il a fallu se lever très tôt pour pouvoir échanger avec les personnes employées aux alentours. Entre 5 heures et 6 heures 30, un flux ininterrompu de bus s’arrêtent le long de la rue principale et repartent avec, à chaque fois, une vingtaine d’hommes à bord. Les femmes sont, quant à elles, massivement employées dans les unités d’emballage et débutent leur journée un peu plus tard...

La plupart des ouvriers agricoles avec qui nous avons pu discuter étaient rémunérés à la tâche, pour une seule étape bien précise de la production, comme la pose de voiles en plastique sur les régimes de bananes pour les protéger des rongeurs.

Episode 1 - Banana Spleen

Après avoir filmé un entretien avec Jorge Acosta, qui coordonne le syndicat ASTAC depuis sa création en 2007, nous avons réussi à visiter et filmer quelques minutes – en nous faisant passer pour des touristes – une hacienda et son unité de nettoyage et d’emballage des bananes, avant de nous rendre sur l’une des pistes d’où décollent les petits avions d’épandage de pesticides.

Difficile de passer inaperçu·e·s avec notre petit groupe et notre matériel de tournage, mais nous avons tout de même pu échanger avec quelques personnes sur place et constater le peu de protection dont disposent les pilotes et les hommes qui versent les mélanges de pesticides dans les réservoirs des avions.

Il aura fallu à peine 20 minutes pour voir 7 avions décoller ou atterrir... et ressentir les premières démangeaisons et picotements oculaires !

Toujours à Isla de Bejucal, nous avons échangé avec plusieurs membres du syndicat ASTAC et participé à une réunion de son comité de défense des droits des femmes. Ce fut un moment émouvant, étant donnée l’ampleur des difficultés évoquées (harcèlement sexuel, chantage à l’emploi) et la confiance dont nous ont honoré une dizaine de femmes solidaires et combatives.

Episode 2 - Briser le silence

Une monoculture invasive

C’est ensuite dans la zone humide de Las Garzas, dans le canton de Palenque, que nous nous sommes rendu·e·s pour rencontrer des paysannes et paysans mobilisé·e·s contre un projet de plantation de bananes menaçant leurs propres cultures.

En décembre 2021, une entreprise argentine a en effet commencé à acheter des terres dans la région, et creusé un canal pour les rendre cultivables... mais ce canal, avant même d’être terminé, commence à assécher la totalité de la zone ! Autour de la future bananeraie, les champs se dessèchent, le bétail peine à se nourrir...

Les paysannes et paysans ne pourront bientôt plus vivre de leurs terres si l’entreprise ne cesse pas rapidement ses préparatifs, sachant qu’elle n’est pas autorisée légalement à exploiter les terres achetées... mais convoite sans doute celles qui seront bientôt abandonnées.

Nous avons ensuite rencontré, à Zapotal, plusieurs femmes du peuple Huancavilca, organisées au sein de la Confédération des nations indigères de l’Équateur (CONAIE). Une plantation de bananes s’est installée il y a trois ans sur des terres appartenant traditionnellement à la communauté, mais l’entreprise a réagi aux protestations par un procès pour usurpation de ses terres !
À ce "procès-bâillon" s’ajoutent les tensions entre les personnes qui travaillent dans l’hacienda après avoir cédé leurs terres, et celles qui continuent de résister.

Episode 3 - Terres volées

Les femmes rencontrées ont créé une école d’agroécologie pour tenter de régénérer les sols abîmés par les pesticides, et permettre aux femmes de continuer à cultiver pour rester indépendantes de leurs maris. Après avoir recueilli leurs informations et leurs témoignages, nous avons rencontré, à Mariscal Sucre, des productrices et producteurs de bananes aux pratiques agroécologiques.

D'autres mobilisations

Après une semaine d’enquête et de rencontres autour des plantations de bananes, nous avons élargi nos investigations. Le syndicat ASTAC et l’association FIAN Ecuador nous ont présenté le collectif Tierra y Vida – "Terre et Vie" en français.

Sur la côte, la mobilisation des pêcheur·se·s et d’associations de défense de la mangrove a réduit la production industrielle de crevettes... qui se déporte, depuis une dizaine d’années, dans les zones humides de l’intérieur du pays. Mais il faut pour cela creuser des bassins d’eau douce et les saler ! Dans le canton de Durán, tout proche de Guayaquil, les bassins de crevettes utilisent les mêmes canaux d’irrigation que les rizières.

Le sel, les hormones de croissance et les autres produits employés pour l’élevage contaminent donc peu à peu les cultures environnantes. Et des projets immobiliers se préparent pour remplacer les bassins lorsqu’ils ne seront plus rentables, d’ici cinq ans en moyenne.

En arrivant sur place, nous longeons de hautes barrières électriques autour des bassins et croisons des gardes armés.

Certaines routes étant barrées par les entreprises, il faut cheminer à pied ou sur le fleuve pour accéder au village de Los Angeles, où l’on nous décrit les techniques employées par l’agro-industrie pour acquérir des terres à bas prix : intimidation, contrefaçon de signatures, stratégie du fait accompli... Malgré tout, le collectif Tierra y Vida interpelle les pouvoirs publics et entame des actions en justice.

Nos investigations se sont terminées le 17 février dans la ville de Cuenca, par la rencontre avec la Fédération des organisations paysannes indigènes d’Azuay, qui lutte pour la protection de l’eau.
Dans cette région montagneuse, les mines d’or existantes ou en projet entraînent de graves pollutions.

Grâce à un important travail d’information, notamment sur les radios locales, l’association est parvenue à rallier une grande partie de la population urbaine à sa cause, mais les personnes les plus impliquées courent malgré tout de grands dangers.

Episode 4 - L'action collective

Au retour de notre petit groupe à Paris, après deux semaines de rencontres, d’échanges, de tournage, une nouvelle étape du travail débutait : celle du montage des vidéos, des reprises de contact pour soutenir les différentes luttes découvertes sur place, de la création des supports d’information et de sensibilisation sur "Les maux de notre alimentation" !

Episode 5 - Nosotros

WEBDOCUMENTAIRE

Les maux de notre alimentation